Chapitre XXX - Dans la Mine

Nos trois aventuriers pénètrent dans une nouvelle galerie éclairée de néons blafards. Le chemin s’élève en pente douce, quelquefois, il faut franchir quelques marches. Au bout du couloir, une porte non verrouillée. Sigur entre le premier avec les précautions d’usage, prêt à tirer.

Derrière la porte une salle sombre et nue. Traversons. Une autre porte.

« Encore un digicode ! Est-ce qu’on va s’en sortir ? »

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Cette fois-ci, pas d’ouverture, pas de voyant, pas de signal sonore, juste un filet lesté de plomb qui tombe du plafond et enchevêtre les trois espions.

La porte s’ouvre aussitôt. Les trois mercenaires, armés de mitraillettes, se précipitent sur les prisonniers. Après les avoir libérés de leurs entraves, ils les conduisent, au bout du canon, mains levées, jusqu’au salon où, installés sur un divan, Franck et Judith les attendent.

 

« À genoux ! » crie Thanatos.

Les prisonniers s’exécutent.

« Quel bonheur de voir une véritable reine prosternée devant moi ! J’étais le maître du monde entier, sauf de la Syldurie. Cette lacune est maintenant comblée.

– Pas pour longtemps, gros patapouf !

– Qu’est-ce que tu attends pour lui en coller une ?

– Je ne peux pas. Il y a quelque chose dans son regard…

– Ah ! Les beaux yeux de Lynda ! Ils font toujours autant de ravages…

– Allez ! crie Franck, emmenez-les retrouver la chipie, puisque c’est pour elle qu’ils sont venus.

– Je te rappelle notre accord, mon bichou : tu fais ce que tu veux des prisonniers, mais Lynda, elle est à moi. »

Judith arme un pistolet qu’elle pointe vers le visage de sa pire ennemie.

« Laissez-moi seule avec elle. Nous avons une petite mise au point à faire, toutes les deux. »

Félixérie est invitée, sans aucune politesse, à rejoindre Elvire et Zoé. Sigur est précipité dans une cave à peine éclairée par un minuscule soupirail.

« Eh pien ! Mon cheune ami, che suis content te fous refoir.

– Helmut ? C’est vous ?

– Helmut, cheune homme, pas Elmut ! En allemand, on prononce le H, et ch’y tiens.

– Hhh… Hhh… Hhhelmut.

– Gut ! Afec un peu t’eksercice, fous finirez par y arrifer.

– Nous voilà donc dans la même galère.

– Che n’étais pas si malheureux au serfice d’O’Marmatvé, sauf qu’il me fallait supir les caprices te la petite peste.

– Zoé ?

– Oui, c’est ça Zoé.

– Mais maintenant, vous voilà prisonnier.

– Oui, la krante Chutith m’a farci te coups te couteaux, ch’étais fichu. Alors, la petite peste, Zoé, a prié pour moi, et ch’ai été guéri. Chutith, ça l’a vexée. Elle nous a punis tous les teux.

– Avez-vous donné votre cœur à Jésus-Christ, après qu’il vous ait guéri ?

– Ach ? Nein ! Pourquoi ? Il fallait ? »

Judith tient sous la menace de son canon Lynda qui elle même la tient sous la menace de ses yeux. Depuis plusieurs minutes, elles se défient l’une l’autre sans échanger un mot. Judith dit enfin :

« Tu te souviens de ce que je t’ai promis ?

– Oui.

– Est-ce que tu es toujours amoureuse du Crucifié ?

– Plus que jamais !

– Le contraire m’eut étonné. Alors j’ai corrigé un petit peu mon programme. Je suis sûre qu’il va te faire plaisir. Après t’avoir flagellée jusqu’à l’os, je vais te clouer. Ça te convient comme réjouissances.

– Génial !

– Et moi je m’emparerai du royaume de Syldurie.

– Moi je… moi je… et l’autre escogriffe ?

– Tu veux rire ! Il y a de la place pour deux fesses, sur ton trône, pas pour quatre. Allez ! Assez badiné ! Demain, à l’aube, tu seras exécutée. Non ! À onze heures du matin. La grasse matinée, c’est sacré ! »

Après cet entretien convivial, notre Lynda est invitée à passer la nuit dans le dortoir des filles.

À l’aube justement, un claquement de porte métallique réveille les prisonniers.

« Allez ! Debout là-dedans ! »

O’Marmatway et ses trois mercenaires, toujours armés, ont investi les deux cachots.

« On vous emmène faire une petite promenade. Sortez de là !

– La reine aussi, patron ?

– Elle surtout.

– Mais… vous aviez promis à la patronne…

– On ne discute pas mes ordres. C’est moi qui commande ici !

– Quand vous régnerez tous les deux sur la Syldurie, il faudra bien accorder vos banjos.

– Nous mettre d’accord ? Mais c’est tout accordé ! Il y a de la place pour deux fesses sur le trône de Syldurie, pas pour quatre. »

O’Marmatway éclate de rire. Les mercenaires ricanent.

« Assez rigolé ! En avant ! »

Les captifs sont maintenant entraînés dans un nouveau réseau de galeries.

« Il n’y a que des souterrains, par ici.

– Oui, c’est une mine te cuifre apantonnée.

– Abandonnée, reprit Franck, mais dont certaines machines sont encore en état de fonctionnement. Cela vaut bien une petite visite. »

Au terme d’une longue marche, vainqueurs et vaincus parviennent jusqu’à une étrange construction métallique : une cabine suspendue à un treuil.

« Entrez là-dedans ! »

Les prisonniers sont poussés dans la cabine, la porte est aussitôt cadenassée.

Thanatos prend la parole.

« Cette cage où vous êtes, c’est l’ascenseur qui vous permettra d’explorer le fond de la mine : huit cents mètres de descente.

– Vous auriez dû garder vos bouteilles de plongée, dit en ricanant l’un des forbans.

– Ah ! oui ! ajouta Thanatos, j’ai oublié de préciser qu’à partir de six cent cinquante mètres, toutes les galeries sont inondées. J’espère que vous ne craignez pas l’humidité. Je règle la vitesse du moteur au minimum pour que vous ayez le temps de faire vos prières. Cela va durer à peu près une demi-heure. Amusez-vous bien. »

Franck manipule quelques commandes sur un vieux tableau de bord. La nacelle de fer commence à s’ébranler. Les quatre complices s’éloignent.

Dans la cage qui poursuit inexorablement sa descente vers la mort, aucun des condamnés ne dit mot, chacun prie dans le fond de son cœur, sauf Helmut qui n’est pas croyant.

C’est justement Helmut qui rompt ce terrible silence.

« Zoé, quand l’eau nous atteintra, che te prentrai dans mes pras. Ce n’est pas parce que tu es la plus petite que tu tois mourir la première.

– Je n’ai pas peur de la mort.

– Moi ch’ai peur, mon enfant, ch’ai même très peur. Comment fais-tu ?

– C’est parce que j’ai le Christ dans mon cœur et que toi tu ne l’as pas encore accepté. Il te reste encore à peu près dix minutes pour te décider, maintenant.

– C’est trop tifficile. Che ne pourrai pas.

– Comment ça, trop difficile ? Tu as bénéficié d’un miracle. Je te le rappelle au cas ou tu l’aurais déjà oublié. Si Jésus ne t’aimait pas, il t’aurait laissé crever les boyaux à l’air.

– C’est frai, mon petit, c’est frai. Prie encore une fois pour moi, s’il te plaît. »

Huit mains se posèrent sur la tête et les épaules de Helmut. Quand on eut fini de prier, chacun avait de l’eau jusqu’au nombril, Zoé jusqu’aux épaules.

« Ch’ai le cœur plein te choie. Dans cinq minutes, nous allons mourir, mais nous serons tous ensemple tans le paratis. Fiens tans mes pras, petite printsesse. »

 

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