Ghislaine et Ludivine
En réponse au défi d’écriture nᵒ 31 de plumeschrétiennes.com
sur le thème de l’amitié
Ludivine déteste Ghislaine.
Ludivine est une jolie blondinette de douze ans. Ses camarades se moquent d’elle et la surnomment « Petit Chaperon Rouge » à cause de ses habitudes vestimentaires. C’est une collégienne sympathique et studieuse, mais nulle en EPS (Éducation Physique et Sportive).
Ghislaine ne se prend pas pour une petite flaque d’urine de mouche. Elle a quatorze ans, mais on lui en donnerait seize ou dix-sept. C’est une jolie brunette, elle fait chavirer le cœur des garçons de sa classe. Elle est grande, sportive, elle ne craint pas les bagarres dans la cour de récréation parce qu’elle gagne toujours, et plus personne n’ose lui chercher les crosses. Ajoutons à son curriculum vitae qu’elle a fondé un groupe de métal.
Ghislaine prend plaisir à humilier Ludivine. Ludivine aimerait tant lui administrer une petite correction, mais elle sait très bien comment cela finirait pour elle, alors elle avale les couleuvres sans rien dire.
La mère de Ghislaine est croyante. Elle s’arrange toujours pour glisser dans la poche de sa fille un feuillet de calendrier avec un verset du style :
Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas votre cœur. – Hébreux 3.15
Ghislaine ne croit pas à toutes ces bêtises, et ça l’agace.
Ludivine a un copain, Christophe, c’est un étudiant qui l’aide à faire ses devoirs scolaires. Ils s’aiment bien. D’ailleurs, en général, Christophe aime bien les petites filles, un peu trop...
Elle aussi reçoit des petits mots dans sa poche :
« PCR, méfi-toi (sic) de GML »
« Qu’est-ce que c’est que ce galimatias ? PCR comme Petit Chaperon Rouge, G comme Ghislaine, évidemment, mais M et L ? »
Ghislaine est obsédée par Hébreux 3.15, Ludivine est obsédée par ces trois initiales.
Je vous invite à lire ou relire notre nouvelle GML pour bien comprendre ce qui va se passer ensuite.
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Un soir de promenade forestière, Christophe a commencé à se montrer un peu trop câlinou. Il s’est pris un coup de pied dans le tibia. Ludivine s’enfuit. Son prédateur se prend les pieds dans quelque chose et s’étale. Ludivine court et finit par lui échapper. Elle s’affale, épuisée, sur un tronc couché.
Elle pleure.
Une main se pose sur son épaule.
Elle crie.
Ce n’est pas la main de Christophe, c’est celle de Ghislaine.
« Qu’est-ce que tu fais ici ?
– Je passais par hasard.
– Tiens donc ! Par hasard ! »
Non, ce n’est pas par hasard. À force d’entendre Sa voix, Ghislaine avait cessé d’endurcir son cœur. Le dimanche précédant ce drame, elle avait enfin accepté d’accompagner sa mère à l’église. En un instant, l’amour de Christ avait pénétré dans son âme et changé sa vie. Son nouveau Guide l’avait guidé au bon endroit au bon moment. Elle qui avait si souvent usé de ses capacités sportives pour persécuter Ludivine en use pour la première fois pour la protéger. Elle commence par un croche-pied dans les jambes du pervers. Le voilà allongé sur le ventre, la jeune athlète se cale sur son dos et l’assomme en formant un marteau, joignant ses deux poings.
Ludivine ne comprend rien à la situation : quel intérêt son ennemie trouverait-elle à la défendre ? C’est une ruse, évidemment. Elle est dans la combine. Pourquoi m’a-t-elle fait ça ?
L’incompréhension et la colère s’élèvent entre les deux jeunes filles. Son courage exacerbé par la rage et le désespoir, Ludivine se précipite sur sa rivale qui la maîtrise sans effort.
« Écoute, Ludivine, dit Ghislaine sur un ton radouci. Je sais que tu es malheureuse, mais ce n’est pas moi qui ai manigancé tout cela, je te supplie de me croire. Je retire mes propos, tu n’es pas une cloche ni une idiote ; j’ai dit ça sous le coup de la colère. Tu ne vaux pas moins qu’une autre, mais il y a tout de même quelque chose que tu n’as pas bien compris. Je t’expliquerai tout cela quand tu auras retrouvé ton calme. On se retrouve demain après la classe, au parc, près de la fontaine, et on en parle. Tu viendras ? C’est promis ? »
Ludivine, accablée, s’était rassise sur le tronc.
« Oui », dit-elle en reniflant.
La grande fille s’assit près de la petite, elle enveloppa ses épaules de son long bras. Ludivine appuyait sa tête contre la poitrine de Ghislaine et pleurait, pleurait, pleurait…
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À l’heure convenue, Ludivine, rassérénée, assise sur un banc public, attend sa rivale qui est en train de devenir son amie. La voici, justement, ponctuelle. La discussion peut commencer.
« C’est moi qui ai écrit ce billet, et je l’ai glissé discrètement dans ta poche.
– Toi ?
– Oui, je sais des tas de choses sur ce gars-là. Quand j’ai su que vous vous rencontriez régulièrement, j’ai compris que tu étais en danger. J’ai voulu t’avertir.
– Mais pourquoi tant de mystère ? Tu ne pouvais pas m’adresser un message un peu plus clair ?
– Si j’avais écrit : “Ludivine, méfie-toi de Christophe, signé Ghislaine,” est-ce que tu m’aurais crue ?
– Non, je le reconnais. J’aurais mis cela sur le compte de la jalousie. »
Les explications de Ghislaine étaient invraisemblables, mais Ludivine était disposée à la croire.
« Cette fois-ci, dit Ghislaine, je n’ai pas couru dans le stade pour de futiles lauriers, j’ai couru dans les bois pour t’arracher aux dents du loup.
– Du loup ! s’écria Ludivine. J’ai enfin compris ! PCR : Petit Chaperon Rouge, GML : Grand Méchant Loup ! »
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Les garçons et les filles, tout comme les professeurs et les surveillants du collège Anatole-France, n’y comprennent rien :
« Qu’est-ce qui se passe avec la grande sauterelle ? Et le Petit Chaperon Rouge ? Je croyais qu’elles ne pouvaient pas se voir en peinture ni en photo, et les voilà qui ne se quittent pas. Quel est ce mystère ? »
En effet, elles ne se quittent plus. Elles entrent ensemble au collège, elles le quittent ensemble, elles passent ensemble les récréations à discuter. Ludivine ne rend plus visite à Christophe, inutile d’expliquer pourquoi, mais en revanche, elle vient souvent chez sa nouvelle amie. Elle lui apporte une aide scolaire non négligeable, car Ghislaine n’est pas très bonne en orthographe. Ludivine commence à aimer le sport. Ghislaine a tout un équipement dans son grenier, sa camarade commence à frapper le sac, on ne peut pas dire qu’elle ait une droite foudroyante, mais elle trouve ce jeu amusant.
La course d’endurance est toujours une épreuve pénible pour la petite fille blonde, mais la grande fille brune ne recherche plus la victoire. À présent, elle ralentit sa foulée pour rester aux côtés de sa camarade et l’exhorte autant qu’elle peut :
« Vas-y Ludivine ! Respire profondément ! C’est bien ! Continue comme ça ! Tu y es presque ! Encore un petit effort ! Tu fais des progrès. »
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Et le dimanche, que font-elles ?
Elles accompagnent la mère de Ghislaine à l’église. Le visage de Ghislaine, autrefois si dur, rayonne de paix, son regard si cruel scintille maintenant d’amour. Ludivine l’observe avec une profonde admiration.
« Je commence à comprendre ta nouvelle vie. L’Évangile a fait de toi une autre personne. Tu as reçu une vie nouvelle.
– Voudrais-tu, toi aussi, la recevoir ?
– Oh, oui ! »
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