60. On raconte

Notre Évangile ne vous a pas été prêché en paroles seulement, mais avec puissance, avec l’Esprit–Saint et avec une pleine persuasion ; car vous n’ignorez pas que nous nous sommes montrés ainsi parmi vous, à cause de vous. Et vous-mêmes, vous avez été mes imitateurs et ceux du Seigneur, en recevant la parole au milieu de beaucoup d’afflictions, avec la joie du Saint-Esprit, en sorte que vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de la Macédoine et de l’Achaïe. Non seulement, en effet, la parole du Seigneur a retenti de chez vous dans la Macédoine et dans l’Achaïe, mais encore votre foi en Dieu s’est fait connaître en tout lieu, de telle manière que nous n’avons pas besoin d’en parler. Car on raconte, à notre sujet, quel accès nous avons eu auprès de vous, et comment vous vous êtes convertis à Dieu, en abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils, qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la colère à venir.

1 Thessaloniciens 1.5/10

On trouverait beaucoup à dire sur ce texte si riche en enseignements, mais je souhaiterais juste m’arrêter sur ces deux petits mots : « on raconte. »

Quand Paul écrit aux Corinthiens ou aux Galates, ce n’est pas pour leur faire des compliments, mais lorsqu’il s’adresse à l’église de Thessalonique, le ton est différent. Il se réjouit d’apprendre que ces chrétiens, qu’il a formés, sont devenus un modèle, non seulement à Thessalonique, mais dans toute la Grèce. Il dit : « on raconte ».

Vous connaissez certainement cette boutade : « J’ai vu le couvreur, il m’a parlé de toit. – De moi ? – Non, de toit. » J’ai eu la bonne idée de la servir à un collègue pas très intelligent :

« Tiens ! J’ai vu le couvreur, il m’a parlé de toit. »

Et le gars m’a répliqué :

« Et toi, tu veux savoir ce qu’on m’a raconté sur ton compte ? »

Je lui ai répondu :

« Si ce sont des médisances, je préfère ne pas le savoir. »

On raconte. Quand on raconte sur les uns et les autres, ce sont, comme l’aurait dit La Palisse, des racontars. On ne raconte jamais du bien. Les gens ont certainement dit à l’apôtre :

« Tiens, Paul, tu ne sais pas ce qu’on raconte sur tes chrétiens de Thessalonique ?

– Allons bon ! Qu’est-ce qu’ils ont encore fait ?

– Eh bien ! Tiens-toi bien : on raconte à leur sujet quel accès tu as eu auprès d’eux, et comment ils se sont convertis à Dieu, en abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et vrai, et pour attendre des cieux son Fils, qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la colère à venir. »

Nous développerons trois étapes dans la démarche des Thessaloniciens :

D’abord, ils se sont convertis :

Il existe mille façons de se convertir. Convertir signifie : opérer un demi-tour. On peut se convertir à une religion : j’étais catholique, et maintenant, je suis protestant. – Et moi, j’étais protestant, mais maintenant, je suis catholique. On n’est pas non plus converti par les hommes. C’est ma mère qui m’a fait connaître Dieu, mais ce n’est pas elle qui m’a converti. C’est un serviteur de Dieu, nommé Samuel Guilhot qui m’a baptisé, mais ce n’est pas lui non plus qui m’a converti. Celui qui m’a converti, c’est Jésus, par le Saint-Esprit. C’est le Saint-Esprit qui convainc de péché, de justice et de jugement. Un jour, le Saint-Esprit m’a convaincu, à la fois de péché, de justice et de jugement ; alors, je me suis converti. La conversion procède de Dieu et de personne d’autre.

Cependant je vous dis la vérité : il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. Et quand il sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement : en ce qui concerne le péché, parce qu’ils ne croient pas en moi ; la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus ; le jugement, parce que le prince de ce monde est jugé.

Jean 16.7/11

Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux.

Matthieu 18.3

Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés.

Actes 3.19

Il est possible d’appartenir à une église sans être converti. Je suis membre de l’église de Condé-sur-l’Escaut, suis-je pour autant né de nouveau ? Ai-je donné tout mon cœur à Jésus-Christ ? Si je ne l’ai pas fait, je ne serai qu’un boulet que l’église va devoir traîner. Lorsque Moïse conduisait Israël au désert, il se trouvaient dans ce peuple de véritables Israélites, pas seulement d’ethnie ou de confession, mais des hommes et des femmes qui craignaient Dieu et le servaient, mais un trop grand nombre parmi eux « suivaient le mouvement », des boulets. Dans toutes les églises, il y a des tracteurs et des charrues. Le plus grave, c’est quand il y a plus de charrues que de tracteurs : l'église n’avance pas. Soyons des tracteurs : des frères et des sœurs réellement convertis, engagés, que Dieu pourra utiliser pour fortifier les chrétiens découragés, fatigués et chargés. L’église est une galère. Les uns rament bien, d’autres moins bien, il en est même qui ne rament pas du tout, mais le pire, ce sont ceux sui laissent traîner les rames dans l’eau.

Une conversion porte des fruits tangibles. Je vous parlerai d’une conversion historique et atypique : celle de Saint-Vladimir. Prince de Kiev, beau-frère de l’empereur de Constantinople. Sa femme qui, évidemment, était orthodoxe n’arrêtait pas de le tanner avec le Dieu unique. De guerre lasse, il lui a dit :

« Bon d’accord, mais entre toutes les religions monothéistes, laquelle est la bonne ? »

Il a donc décidé d’aller voir un représentant de l’islam. Celui-ci lui a bien expliqué que s’il devenait un bon musulman, il irait au paradis et qu’au paradis, il y a beaucoup de femmes.

« Ah ! S’il y a des femmes, ça m’intéresse.

– Bien sûr, il y a aussi quelques contraintes : on doit faire cinq prières par jour. Il faut aller à La Mecque, il ne faut pas manger de cochon ni boire de vin.

– Ah non ! Si c’est sans alcool, ça ne m’intéresse pas. Au plaisir ! »

Même démarche avec le judaïsme : non seulement pas de cochon, mais pas de lièvre, pas d’huîtres, pas de homard, et pas question de faire la java le samedi. Pour un fêtard comme lui, c’est une religion à mourir d’ennui.

Alors, il ne lui restait plus beaucoup de choix. Catholique ou orthodoxe. S’il devient catholique, il va se mettre la belle-famille sur le dos, s’il devient orthodoxe, il va vexer le pape et les cardinaux, et ce n’est guère mieux. Alors, il est allé à la messe, il s’y est barbé. En revanche, l’Église orthodoxe lui a paru beaucoup plus sympathique.

Et voici comment la Russie est devenue chrétienne. C’est également ainsi que Vladimir est devenu Saint-Vladimir, toujours aussi débauché qu’avant sa conversion, mais maintenant, il a son auréole.

Une autre conversion historique est celle de Clovis. Quand Rémi, évêque de Reims, l’a baptisé, il a prononcé cette phrase célèbre :

« Courbe-toi, fier Sicambre. Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. »

Autre question d’histoire : quand Clovis a cassé la tête du soldat qui a cassé le vase de Soissons, était-ce avant ou après sa conversion ? Quelqu’un connaît-il la réponse ?

Revenons à notre texte :

Vous vous êtes convertis à Dieu en abandonnant vos idoles.

Servir Christ, c’est la liberté, mais servir les idoles, c’est l’esclavage. Savez-vous d’où vient l’expression : « on est si bien dans nos pénates » – on est si bien chez soi ? (Le mot pénates est singulier). Les Romains, nous le savons, adoraient une multitude de dieux « nationaux » qu’ils devaient servir avec zèle, auxquels ils devaient offrir de coûteux sacrifices, mais ils devaient, par surcroît, adorer les mânes de leurs ancêtres, qu’ils appelaient les pénates. S’ils manquaient à ce devoir, ou s’en acquittaient mal, le fantôme du grand-père pourrait revenir la nuit pour leur tirer les doigts de pied. Ils vivaient dans la crainte.

Esclaves de nos idoles, esclaves de l’argent, esclaves de nos addictions, esclaves de nos passions… Celui qui nous maintenait en esclavage n’a maintenant plus de pouvoir sur nous, car nous appartenons à Christ.

La conversion implique la consécration du chrétien : Pour servir le Dieu vivant et vrai. 

Converti dans quel but, ou pour quelle raison ? Le livre d’Esther nous donne un exemple effarant :

Dans chaque province et dans chaque ville, partout où arrivaient l’ordre du roi et son édit, il y eut parmi les Juifs de la joie et de l’allégresse, des festins et des fêtes. Et beaucoup de gens d’entre les peuples du pays se firent Juifs, car la crainte des Juifs les avait saisis.

Esther 8.17

Rappelons le contexte : le plan d’Haman pour exterminer les Juifs ayant échoué, les victimes potentielles sont devenues dominateurs et de nombreux Perses ont compris qu’il valait mieux avoir les Hébreux de son côté, alors, ils se sont fait circoncire. On aurait pu parler avec enthousiasme du réveil de Suze (ou Souschan). Il y en avait du monde dans les synagogues ! mais ce réveil ne valait rien. Convertis par peur.

On peut se convertir par crainte de l’enfer, mais ce n’est pas une véritable conversion, et elle ne porte aucun fruit.

On ne se convertira pas non plus pour servir les intérêts d’un tel. C’est ainsi qu’une brave sœur se désespérait de l’incrédulité de son mari, et pourtant, elle priait pour lui chaque jour.

« Pourquoi désirez-vous qu’il se convertisse ? lui demande son pasteur.

– Eh bien ! S’il se convertissait, nous pourrions prier et lire la Bible ensemble, ce serait plus agréable que toute seule dans mon coin.

– Et puis ?

– Et puis, s’il se convertissait, il m’emmènerait à l’église en voiture. Je n’aurais plus besoin de prendre l’autobus. »

Convertis pour servir.

Nous sommes tous appelés à exercer un ministère, pas nécessairement un ministère à plein temps, reconnu par les hommes. Il m’a fallu des années pour le comprendre, et pendant des années, j’ai tourné en rond alors que la voie du Seigneur était rectiligne.

Un dimanche matin, il y avait devant l’église un jeune couple embarrassé dans sa voiture en panne. Plusieurs membres de notre communauté se sont dévoués pour les aider. C’est une bonne façon de servir le Seigneur et de témoigner de la grâce sans prêcher de sermon.

Servir le Seigneur avec humilité :

J’ai connu un frère qui avait reçu un don remarquable pour l’évangélisation spontanée. Il était capable d’aborder n’importe quel quidam dans la rue, lui taper sur l’épaule et lui demander : « Mon ami, connaissez-vous Jésus-Christ ? »

S’il avait su garder tous ceux qui avaient été touchés par son ministère, il aurait eu une église d’au moins cent membres, mais il n’en avait aucun. Sitôt qu’une personne acceptait son message, elle ne devenait pas un disciple le Jésus, mais un disciple de D***, condamnée à obéir à toutes les lubies du maître… Il perdait ainsi tous ceux qu’il avait gagnés.

Sitôt convertis, nous servons Dieu, avant tout, par amour.

Comme il montait dans la barque, celui qui avait été démoniaque lui demanda la permission de rester avec lui. Jésus ne le lui permit pas, mais il lui dit : Va dans ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur t’a fait, et comment il a eu pitié de toi. Il s’en alla, et se mit à publier dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous furent dans l’étonnement.

Marc 5.18/20

Voilà un homme qui a vécu une délivrance extraordinaire. Nouveau converti débordant d’enthousiasme, il désire suivre Jésus et le servir. Il s’apprête à monter avec lui dans la barque. C’est selon lui le meilleur moyen d’annoncer l’Évangile. « Je veux te suivre partout où tu iras. Je veux devenir ton disciple, je veux devenir apôtre, comme Pierre, comme Jean... » Mais Jésus lui dit : « Non, ce n’est pas mon projet pour toi, retourne dans ton village et sois un témoin. »

Cet homme a certainement été déçu. Le type de mission que Jésus lui confiait lui semblait plus difficile qu’un ministère pastoral dans une église établie. Il se retrouvait seul au milieu de sa famille et parmi les gens de son village qui se souviennent de son passé et, surtout, qui n’ont pas oublié l’histoire des cochons noyés à cause de lui. Qu’il ait été délivré, qu’il soit devenu une nouvelle créature, qu’il ait reçu la vie éternelle, les gens du pays n’en ont cure. Ce qui les contrarie, ce sont les jambons, les salamis, les chipolatas tombés à l’eau, c’est le cas de le dire !

Rappelons, pour une meilleure compréhension de ce texte, que la Décapole était une colonie grecque, ce qui explique la présence d’élevages porcins, interdits, comme il se doit, en territoire juif.

Cet homme dont le nom ne nous est pas parvenu, et malgré son désappointement, a néanmoins obéi.

Enfin, après la conversion et la consécration, l’espérance : pour attendre des cieux son Fils, qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la colère à venir.

Attendre… Attendre l’accomplissement de la promesse de Jésus… Attendre le retour du Seigneur.

Je me suis converti en 1978 et j’avais 24 ans, vous pouvez ainsi connaître mon âge, je suis devenu un vieux grand-père. Quand j’étais nouveau venu dans la foi, on me parlait sans cesse du retour de Jésus. On me disait : « Frère André, le Seigneur revient bientôt, j’espère que tu es prêt. » Tout le monde attendait le retour du Sauveur. Tout le monde en parlait. On m’avait donné une cassette de Fernand Legrand qui nous présentait cet évènement comme imminent. Où en sommes-nous maintenant dans nos églises ?

Sommes-nous de ceux qui attendent avec foi le retour du Seigneur, ou avons-nous préféré écouter ceux qui nous ont répété :

« Attention, il ne faut pas faire peur aux gens avec ces histoires, les chrétiens doivent être immunisés contre le “complotisme” ».

Voilà ! le mot est lâché. Mais, dites-moi : la Bible n’est-elle pas un livre complotiste ? Dans ce cas, les chrétiens devraient cesser de la lire. Le temps me manque pour vous parler de Daniel 12, de Matthieu 24, des épîtres aux Thessaloniciens, des épîtres à Timothée, de l’Apocalypse, mais toute la Bible prépare nos cœurs et nos pensées à cet événement. La parole de Dieu nous avertit que Jésus reviendra à la fin des temps, dans une période troublée, dans des temps difficiles. Il faut en arracher, des pages, si nous ne voulons plus attendre le retour de Jésus. Il faut en arracher, des pages, si nous ne voulons pas nous faire traiter de complotistes (un mot qui, d’ailleurs, ne veut rien dire) par d’autres chrétiens qui renient la réalité. Après avoir jeté le doute dans le cœur des enfants de Dieu sur la trinité, le diable opère maintenant sur la question de la parousie. La prochaine étape sera la résurrection.

Nous traverserons la grande tribulation, disent-ils, et si nous prêchons le contraire, c’est que nous avons peur. Voyez dans notre texte combien l’apôtre Paul est clair. Il s’adressait, rappelons-le, à des chrétiens qui avaient des incompréhensions sur ce sujet : « qui nous délivrera de la colère à venir ». Ils ont dû l’arracher aussi, cette page-là.

L’apôtre Paul est inspiré par le Saint-Esprit quand il écrit ces mots, nous pouvons lui faire confiance. L’apôtre Pierre, lui aussi, nous met en garde contre l’indifférence et l’incrédulité. Il nous prévient que même des chrétiens seront dénigrés par d’autres chrétiens, à cause de leur foi en l’imminence de la parousie :

Sachez avant tout que, dans les derniers jours, il viendra des moqueurs avec leurs railleries, et marchant selon leurs propres convoitises et disant : Où est la promesse de son avènement ? Car, depuis que les pères sont morts, tout demeure comme dès le commencement de la création.

2 Pierre 3.3/4

Pendant que le monde sommeille dans l’obscurité, la véritable Église travaille :

Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d’un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs, et ainsi, nous serons toujours avec le Seigneur.

1 Thessaloniciens 4.16/17

C’est d’ailleurs dans ce message de Fernand Legrand, auquel je faisais allusion plus haut, que j’ai trouvé cette anecdote qui me servira de conclusion :

Pendant la Seconde Guerre mondiale, un avion américain avait été atteint par la DCA allemande et devait atterrir en catastrophe. Le pilote dit au copilote :

« Ma femme m’attend à la base aérienne. »

Le copilote répondit :

« La mienne m’attend aussi. »

Au prix de grandes difficultés, l’avion finit par se poser, ses occupants indemnes. Il faisait nuit, il faisait froid. Les deux aviateurs descendirent de l’appareil. Debout sur le tarmac, transie, la femme du pilote alla se jeter dans les bras de son mari.

« Mon chéri, dit-elle, je t’attendais. »

Ils se dirigèrent vers le mess des officiers. Ils y trouvèrent l’épouse du copilote, endormie dans un fauteuil confortable, un magazine ouvert sur les genoux. Son mari la réveilla en lui tapotant l’épaule.

« Mon chéri, dit-elle, je t’attendais. »

Comment l’attendez-vous ?