Chapitre XXXII - Retrouvailles

Le charmant royaume de Séquanie avait retrouvé sa tranquillité, la fontaine d’Engartot fournissait toujours son eau limpide pour le grand bonheur des enfants. Le prince redevenu goujat servait le couple royal avec zèle, enfin soustrait à l’influence maléfique de Sabriana, il avait retrouvé la paix du cœur et surtout, il avait trouvé ce qu’il n’avait jamais connu : la modestie. Maurice s’acquittait avec justice de son emploi de Premier ministre et veillait à ce que la misère disparaisse de son pays. Le peuple, sans aucune contrainte avait détruit les veaux, tant d’or ou d’argent que de bois et de paille pour accorder sa dévotion au Dieu unique, celui dont on ne voit pas la figure, mais dont les bontés se renouvellent chaque matin. Enfin, la reine avait donné la vie à un petit garçon destiné à devenir Axel II.

La vie de nos jeunes souverains se découlait donc dans un calme presque ennuyeux quand un majordome apporta à la reine une enveloppe sur un coussin de velours. Elle l’ouvrit. La lettre à l’en-tête de la couronne de Rhénanie était ainsi rédigée :

« Sa Majesté Ottokar II, roi de Rhénanie prie Sa Majesté Éliséa de Séquanie d’accueillir favorablement le baron Von Heilbronnerweisswein, lequel souhaite s’entretenir avec Votre Majesté sur un sujet de la plus haute importance. »

« Que de mystère ! dit la reine, soit, nous le recevrons avec tous les honneurs afin qu’il garde un bon souvenir de notre royaume et de son hospitalité. »

On introduisit donc le baron dans la salle du trône :

« Papa ! » s’écria la reine.

Le baron se précipita pour se jeter aux pieds d’Éliséa, elle-même se précipita pour le relever et l’étreindre. Ce baron germanique est bien le père d’Éliséa. Comment est-il devenu baron ? La jeune femme ne se pose pas même la question.

« Pardonne-moi, ta mère et moi, nous t’avons abandonnée.

– Vous avez fait pire que m’abandonner, vous avez abandonné la foi, mais pour cela c’est à Dieu que vous devez demander pardon.

– C’est fait, nous nous sommes repentis de notre apostasie, nous avons retrouvé la paix du cœur et la certitude de notre salut. Il ne reste que toi. Nous pardonneras-tu notre lâcheté ou nous livreras-tu au bourreau ?

– Tu sais comment j’ai traité le ci-devant prince Wilbur. Pourquoi te traiterais-je autrement ? »

Le père serra longtemps sa fille dans ses bras.

« Enfin ! dit-elle, le père qui était perdu est retrouvé, le père qui était mort est revenu à la vie. Que maman revienne vite et que nous célébrions cet événement en tuant le veau gras. Cette histoire nous en rappelle une autre, n’est-ce pas ?

– Oui, mais dans le Livre c’est le fils, et non le père qui est perdu et retrouvé. »

On fit donc un grand festin en l’honneur des retrouvailles et de la réconciliation.

« Te voilà donc baron de Wienerschnitzel, dit la reine.

– Heilbronnerweisswein.

– Admettons. J’ai dû manquer une étape. Il est temps que tu m’expliques tout ça.

– C’est très simple, en vérité. Quand nous avons su que tu étais devenue reine, nous avons cru que tu allais te venger en nous faisant mettre à mort. C’est pourquoi nous avons fui à l’étranger. Je me suis donc réfugié en Rhénanie. À force d’intrigues qu’il serait trop long de t’expliquer, j’ai été introduit à la cour et le roi Ottokar m’a fait baron.

– Depuis combien de temps es-tu baron ?

– Depuis une semaine. Quand nous avons su, ta mère et moi, que tu as sauvé la vie de ton pire ennemi que tu avais toi-même fait pendre, nous avons pensé que tu pourrais nous accorder ton pardon, à nous aussi.

– Le roi Ottokar t’a nommé baron, moi, la reine Éliséa, je te nomme duc, pour que tu n’aies pas de regret, et je te trouverai un nom de chez nous. Von Triffenstein, ça ne me convient pas du tout.

– Heilbronnerweisswein. »

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