Cahpitre XXI - Un plan macchiabolique

Le biquet finit effectivement par se calmer et raconta à sa Sassa (allitération, hiatus et assonance malencontreuses), ce qui l’avait mis dans cet état.

« Je ne vois pas ce qui te contrarie, mon canard. Il suffit de faire pendre ce coco-là, et la question est réglée. De plus, ça servira d’exemple pour les autres.

– Trop facile.

– Alors, fais-le empaler, ce sera plus amusant.

– Non, la mort d’un seul homme ne suffira pas à ma vengeance. Je veux exterminer tous les membres de la secte du Livre. Ce sont eux qui lui ont mis cette idée en tête, après tout.

– Oh ! oui, mon trésor ! Ça, c’est une idée ! D’autant plus que la reine en fait partie. Nous serons débarrassés à la fois de cette chipie et de ton menuisier rebelle.

– Ah ! oui, c’est vrai. J’avais oublié ce détail. La reine fait également partie de cette secte. D’ailleurs, elle non plus ne se prosterne pas devant moi.

– C’est un peu normal, puisque c’est la reine, ce serait à toi de plier le genou devant elle.

– Il ne manquerait plus que ça.

– Donc, tu veux que tout le monde se prosterne devant toi, mais tu refuses de te prosterner devant la reine qui serait en droit de l’exiger. Et qu’en dit-elle, la reine, de ton attitude ?

– Elle n’en dit rien. Elle n’en a rien à lustrer.

– J’ai du mal à te cerner. Enfin, peaufinons ce plan et mettons-le à exécution.

– Ce qui m’inquiète, c’est que le roi est toujours amoureux de cette cochonnerie qu’il a ramassée dans les bois. Il ne sera pas d’accord pour la faire empaler.

– Ah ! répondit Sabriana avec une moue désappointée. Eh bien ! Tant pis. Nous trouverons une autre solution. »

Ils passèrent des jours à chercher un bon plan, sans le trouver. Or, le hasard remit sur le chemin de Wilbur un ami de longue date : Albéric.

Albéric et lui avaient partagé les bancs de la même école. Wilbur était toujours dernier de la classe, il est devenu palefrenier, Albéric était toujours le premier, il est devenu docteur en histoire et en théologie. Le docteur s’est prosterné devant le prince, afin de ne pas le contrarier, puis ils sont allés boire une chope et parler du bon vieux temps. La discussion dévia inévitablement sur Maurice et la contrariété que sa désobéissance provoquait chez le prince.

« Et tu dis que ce Maurice appartient à la secte du Livre ?

– Indubitablement.

– Et sais-tu d’où il vient ce livre ?

– Ils disent que c’est la parole de Dieu. Comme si ce bouquin leur était tombé du ciel. C’est ridicule. Enfin !

– Ce livre nous a été introduit par un peuple, les Abrahamites, du nom d’Abraham, qui serait leur ancêtre commun. De fil en aiguille, ils en sont venus à se détourner du Dieu du livre pour adorer des dieux visibles, des dieux en forme de béliers ou de bœufs, ou de veaux. Un jour, leur Dieu en a eu marre, il les a chassés de leur pays et les a dispersés de par le monde. Une importante communauté s’est réfugiée chez nous. Ils se sont multipliés depuis et refusent de s’intégrer. Ils veulent à tout prix conserver leur identité religieuse et culturelle. À présent, ils sont partout.

– Donc, tous les membres de la secte font partie de ce peuple.

– Pas forcément, car ils ont fait des prosélytes.

– À quoi reconnaît-on les vrais ?

– À certains détails morphologiques, la forme de leur nez, par exemple.

– C’est juste, maintenant que tu le dis, ce Maurice a un drôle de nez.

– Il existe un moyen encore plus sûr de reconnaître les mâles, mais pour cela il faut les voir tout nus.

– Ah !

– Et la reine, elle n’a pas un drôle de nez, comme tu dis ?

– Elle ? Elle a les plus beaux yeux, la plus belle bouche et le plus beau nez qu’une femme puisse avoir.

– Alors, elle n’en fait pas partie. »

Un éclair d’intelligence illumina le regard du prince.

« Albéric, mon vieux copain, tu viens de me sauver la vie. Il faut fêter cela. Enivrons-nous. »

Le soir, Wilbur regagna la chambre nuptiale.

« C’est à cette heure-ci que tu rentres ?

– Ma chhhh… ma chhhh… ma petite Chabricha. Jjjj… jjjj… J’ai trouvé.

– Qu’as-tu trouvé ? Le chemin jusqu’au lit ?

– La ssss… la ssss… la so…

– La solitude ?

– Non, la ssss…

– Tu me raconteras tout cela demain, quand tu seras de nouveau capable d’articuler. En attendant, dodo ! »

Le lendemain, Wilbur n’était pas davantage capable d’articuler, il avait un sac de ciment sur la tête. Il fallut attendre le surlendemain pour obtenir des explications.

« C’est simple, il suffit de faire pondre une loi ordonnant l’exécution de tous les Abrahamites, dont l’infâme Maurice fait partie.

– Et comment s’y prendre ?

– C’est toi qui me demandes ça ? Je passe aux cuisines, je te ramène une couenne de jambon, et le tour est joué. »

 

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