L'aigle et le corbeau

Un aigle tournoyait, paisible.
            Un corbeau le choisit pour cible,
            Oiseau sans grâce au chant criard,
            Triste et vaniteux charognard,
Le patineur du ciel, superbe créature
Couvrait les champs dorés de sa noble envergure.

 

            Voyant la grâce de son vol,
            L’oiseau de jais frôlant le sol
            Agitait bruyamment les ailes.
            Et flap, et flap ! La ritournelle !
Le roi lui fait de l’ombre et le met en courroux ;
Le sang devient amer quand le cœur est jaloux.

 

            L’oiseau mesquin cherche querelle,
            Médite une guerre cruelle.
            « Voyez ce grand prétentieux
            Qui joue si bien les glorieux !
Je m’en vais sur-le-champ lui trépaner la tête.
Parole de corbeau, je lui ferai sa fête ! »

 

            Le voilà prêt pour le combat.
            Sitôt dit, le volant goujat
            Croassant : « Sus à l’adversaire !
            Fêtons-lui son anniversaire ! »
Tel un preux chevalier s’élance plume au vent,
Les serres en arrière et le bec en avant.

 

 

            Mais le grand aigle n’en a cure :
            Aucun souci de la roture.
            Aux menaces du malappris
            Le roi répond par le mépris.
Et voici mon corbeau, cet insolent, ce drôle
D’un vol sans harmonie perché sur son épaule.

 

            Burinant de son large bec
            Il entame sa nuque avec
            Toute la force de sa rage.
            Notre aigle en accuse l’outrage.
Le nerf à vif, la chair en sang, dans sa douleur,
Il s’élève, paisible, sans chagrin ni sans pleurs.

 

            Notre prédateur se régale
            En picorant ses cervicales.
            Qui donc pourrait l’en empêcher ?
            A-t-il des bras pour le chasser ?
Pilotant son Mirage, il domine la terre,
S’apprête à conquérir la France et l’Angleterre.

 

            Cet équipage solennel
            S’élève sans bruit vers le ciel.
            L’autre achève son déjeuner,
            Se rassasie sans se gêner,
Sans chercher à comprendre où son hôte l’entraîne.
Le froid givre ses plumes, il respire à grand-peine.

 

            Le corbeau n’est plus à la fête
            Car le vent lui tourne la tête.
            Il n’en digère son repas
            Il ne songe qu’à son trépas.
Il est déjà trop tard pour prendre son envol :
L’oiseau désarçonné s’abîme sur le sol.

****

L’ennemi de toujours te harcèle et t’agresse,
Tel ce vilain corbeau, il t’insulte et te blesse,
Tout comme un charognard se repaît de ta chair,
Te lacère la peau, te déchire les nerfs.
Ami, tu le vaincras sans tes armes humaines ;
Trop faibles sont tes bras et ta défense est vaine.
Mais le divin Esprit, c’est le souffle et le vent,
Il te transportera, profite des courants.
Le démon malveillant dans sa folle entreprise
En perdra sa vigueur et devra lâcher prise.

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