Chapitre XXXVI - Lynda retrouve sa couronne

Le raz de marée avait provoqué d’importants dégâts sur le port et dans la ville d’Arklow, fort heureusement, on ne déplore aucune victime.

Le peuple syldure en a assez de ce président qu’il a pourtant élu. Il accueille sans tristesse et sans deuil la nouvelle de sa disparition.

La Syldurie est en plein désarroi : c’est une république sans président. Miroslav de Bifenbaf, le Premier ministre, s’est éclipsé dans la plus grande discrétion, abandonnant les dossiers ouverts sur son bureau ministre. Les membres de son gouvernement, nommés par favoritisme contre la volonté du peuple, se sont dispersés dans la nature sans rien demander à personne.

Bien qu’elle n’ait plus rien à y faire, la souveraine déchue apparaît souvent à la chambre des députés, sa présence, en définitive, rassure les parlementaires qui, sans oser le proclamer, reconnaissent qu’à part elle, personne n’est en mesure de retrousser les manches et prendre la pelle pour nettoyer le désordre provoqué par la politique de Plogrov.

Elle assistait aux débats, discrètement assise au dernier rang de l’hémicycle, sans jamais prendre la parole.

Les députés s’invectivaient, parlaient de la croissance du chômage, de la baisse du pouvoir d’achat, de la dévaluation de la couronne syldure, de la recrudescence de la criminalité, de la dépravation de la jeunesse. Des milliers de problèmes, aucune solution.

« Il faut destituer le président Plogrov.

– Inutile de le destituer, puisqu’il est mort.

– Tant qu’on n’a pas retrouvé son cadavre, il n’est pas mort, et il est toujours président.

– Alors il faut le destituer.

– Élisons un président par intérim, jusqu’à ce qu’on retrouve Plogrov.

– Et si on ne le retrouve jamais.

– Il faudra élire un nouveau président.

– Mais pour ça, il faut d’abord destituer Plogrov.

– Mais s’il est mort, ce n’est pas la peine de le destituer. »

Lynda poussa un long soupir et se leva pour quitter la chambre. Le président de séance l’interpella.

« Madame Lambert, qu’attendez-vous pour intervenir ?

– Vous ne m’avez rien demandé.

– Quelle est votre solution ?

– Prions. »

Tout le monde écoutait Lynda dans un silence respectueux. Quelques-uns pleuraient, d’autres tombaient à genoux. Quand elle eut terminé, plusieurs députés s’embrassaient, se demandant mutuellement pardon pour les injures qu’ils avaient échangées et pour les médisances qu’ils avaient proférées les uns contre les autres.

« Êtes-vous prêts à reconstruire la Syldurie avec Lui ? Alors, levons-nous. Il y a du travail. »

On commença par réparer les dégâts provoqués par la chute de la tour Plogrov et l’on fit disparaître les ruines apparentes.

On fit rouvrir l’église dont Périklès avait la charge, ainsi que tous les lieux de culte interdits par le régime plogroviste.

La mosquée Émir Abdallah Ibn Achmed Saïd Omar Mustapha Ben Kalish Ezab est redevenue cathédrale Sainte Fédorova ; le métropolite a retrouvé ses icônes, ses ciboires et ses hosties, ainsi que sa bonne humeur.

On vota. Lynda Lambert fut élue président de la République.

On vota de nouveau. L’ancienne constitution fut rétablie et Lynda recouvra son trône et sa couronne.

Lynda ayant repris les rênes de la Syldurie, le pays retrouva rapidement sa splendeur perdue, ainsi que l’avait prévu le Professeur Adhémar Komtatas, écrivain, journaliste, politologue, professeur d’économie à l’Université d’Athènes.