Chapitre XXIV - Nolwenn

 

« Palsambleu ! pense Alphonse, cette jeune tigresse a plus de griffe que de cervelle. Elle n’a même pas pensé à me confisquer mon téléphone. Ma maîtresse et mon maître ne vont pas tarder à venir me tirer d’embarras. »

Il tire son mobile de sa poche et commence à tactiler.

« Ventrebleu ! Il n’y a même pas de réseau dans ces maudites galeries ! »

Xanthia est énervée, Dimitri est désespéré. Ils n’ont pas tardé à apprendre que le prince David a retrouvé son papa et sa chère maman et que le duc de Baffagnon est en prison.

« Elle nous aura, de toute façon, elle nous aura. Elle a le diable au corps.

– C’est plutôt le Bon Dieu qu’elle a au corps, si c’était le diable, elle serait dans notre camp.

– Et cela nous simplifierait la vie, avoue-le. Avoir Lynda pour alliée, l’avoir pour adversaire…

– Bref, tu t’avoues vaincu, une fois de plus ! Toi, le grand Nimrod ! Quand je pense que je t’ai épousé pour le pouvoir. J’aurais dû épouser plutôt Alphonse. Il est fou de moi, et à nous deux, nous nous serions mieux débrouillés.

– Tu me cherches, ou quoi ? Ce polichinelle, il aurait réussi mieux que moi ! Mais je te signale que c’est lui qui a tout fait foirer, avec les sauterelles et tout le bazar. Et le voilà entre les mains de l’ennemie.

– Et le poutche ? C’était une idée à toi, le poutche. Tu les as payés combien, tes colonels, pour qu’ils prennent la marque et qu’ils trahissent leur reine et leur patrie ? Elle les a tous collés au gnouf. Beau résultat !

– Et qu’est-ce que tu vas faire, maintenant, toi qui es plus intelligente que tout le monde ?

– Ce que nous aurions dû faire depuis le début : éliminer la famille royale.

– Mais c’est facile ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Yakafer ! Et comment espères-tu t’y prendre, ma Jézabel adorée ?

– Tu as habité la résidence royale et tu as gardé les plans de la maison ; pour une fois, tu as fait preuve d’intelligence. Alors, il me semble qu’il existe un endroit où la muraille est fragilisée, une fois sur place, il doit bien exister un soupirail, une porte dérobée pour nous introduire dans la bâtisse.

– Mmm… oui, ça pourrait se faire, d’autant plus que la reine fait tant confiance à la protection divine que sa garde n’est pas fortement armée. »

C’est la fin des beaux jours. Comme les températures vespérales sont encore agréables, la famille royale dîne sur la terrasse du pavillon d’été, une gloriette éloignée du château et dissimulée dans les bois. Chacun sait que Lynda n’aime pas être dérangée sur cette île de tranquillité, tranquillité qu’elle partage ce soir avec Julien, Éva, Mamadou et les enfants.

« On ne bouge plus ! Tout le monde debout, les mains sur la nuque ! »

Tel un couple de félins, Xanthia et Dimitri ont surgi de la pinède, l’arme au poing.

« Je ne me souviens pas de vous avoir invités, vous deux, » raille Lynda en s’exécutant. Dans cette circonstance, en dignes princes et princesses, les enfants font preuve d’un courage remarquable. Ils obéissent sans une larme.

« Vous les mioches, allez jouer ailleurs. On n’a pas besoin de vous. »

Sans se faire prier, les enfants détalent.

« Non, pas vous deux. Seulement les petits nègres. Entrez là-dedans, nous serons plus au calme pour parler. »

La réunion se poursuit dans le pavillon, face aux agresseurs, les victimes potentielles se tiennent debout en arc de cercle, vue d’en haut, on aurait dit une émoticône souriante.

« C’est la fin de ton règne, Lynda de Syldurie, voici celui de la nouvelle reine, Xanthia de Syldurie, comme cela sonne bien !

– Xanthia de Syldurie ? Mais, mon gros canard, c’est moi, Nimrod, le nouveau roi de Syldurie.

– Mais non ! Je croyais que nous nous étions compris. Ton règne doit être spirituel et le mien temporel. Tu es Nimrod II, empereur universel. Moi, je sors Alphonse de prison, il devient roi, je l’épouse, ensuite, je descends Alphonse, je deviens reine, et comme tu es mon premier époux, tu es mon prince consort, et comme tu es devenu empereur, je deviens ton impératrice. C’est pourtant clair.

– Mais c’est très clair, s’esclaffe Lynda, ensuite, elle te descend pour régner sans partage. Une vraie mante religieuse !

– Nous mettrons ça au point plus tard. Toi, la pintade, tu as tort de rigoler. Je sais que tu appartiens à Jésus-Christ et que tu n’as pas peur de la mort, mais c’est parce que tu ne sais pas encore de quelle façon tu vas mourir. Je vais commencer par vous briser les deux jambes, une balle dans chaque tibia, à commencer par tes deux rejetons. »

Les enfants se mettent à crier. Lynda, qui a perdu toute envie de persifler se jette aux genoux de son ennemie.

« Non ! Pas mes enfants ! Pas mes enfants ! Fais de moi ce que tu voudras, mais pas mes enfants !

– Tes enfants font partie de ma vengeance.

– Pas mes enfants ! murmure Lynda en pleurs.

– Mais il manque quelqu’un à ce beau tableau de famille.

– Qui donc ? demande Dimitri.

– Elvire. Je veux dire : la comtesse de Saccutinka, car la royauté a pris l’habitude d’anoblir tous ceux qui ont rendu des services à la nation.

– Eh bien ! Toi, au moins, on ne risque pas de t’appeler comtesse de Zikejtepiottinka.

– Toi non plus.

– Je m’en moque, j’ai déjà été duc. Et pourquoi veux-tu la peau d’Elvire ?

– Parce qu’elle m’a glissé entre les doigts. J’en avais fait mon esclave et elle m’a échappé. Elle doit mourir. »

Un silence angoissant succède à cette réplique.

« Eh bien ! Qu’est-ce que tu attends pour aller la chercher ?

– C’est à moi que tu parles sur ce ton.

– Trouve-la-moi. C’est un ordre.

– C’est bon, j’y vais, pas la peine de t’énerver comme ça ! »

Et Dimitri, obéissant comme un petit chien, part à la recherche de son gibier.

« Cet imbécile va nous laisser tranquilles un bon moment. Je vais m’amuser avec vous, et quand il reviendra avec ta copine, je commencerai à vous massacrer.

– Nolwenn, pourquoi ne veux-tu pas me parler ?

– Fiche le camp, espèce de débile, ce n’est vraiment pas le moment ! »

En disant ces mots, elle assène une gifle à Yannick qui est apparu derrière elle, inconscient de la situation. Il se met à pleurer comme un enfant qui est tombé de bicyclette. Éva le prend dans ses bras. Lynda profite de la confusion pour étourdir Xanthia de quatre ou cinq bons coups de poing et la délester de son arme.

« Mettez Yannick et les enfants à l’abri. Moi je m’occupe de cette harpie, inutile de déranger la garde. Prenez son pistolet, ça peut vous servir. »

 

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