Chapitre XXX - Germinal

« Allons-y ! Puisqu’il faut y aller.

– Affirmatif ! Puisqu’il faut y aller, allons-y ! »

Le cœur débordant d’enthousiasme, et n’ayant d’ailleurs nul autre choix que d’obéir aux ordres du président, Huppim et Schuppim, accompagnés d’une demi-douzaine de leurs hommes, décident de mener une action virile contre les rebelles, à savoir les évangéliques qui se réunissent clandestinement dans les catacombes et dont ils ont, grâce à leur courage et à leur perspicacité, découvert le repaire.

« Cette fois, ils ne pourront pas nous échapper.

– Négatif ! Ils ne pourront pas nous échapper, cette fois. »

Équipés de l’armement réglementaire, Huppim monte dans une voiture de police avec trois policiers, Shuppim monte dans la seconde avec les trois autres, les sirènes déchirent l’atmosphère, les gyrophares illuminent les véhicules comme des sapins de Noël. Nos amis de la police républicaine sont passés maîtres dans l’art de l’intervention furtive.

 

Parvenus à la villa abandonnée, nos policiers font irruption dans la maison, brisant les portes à coup de bélier, l’arme au poing balayant toutes les pièces du regard avant de les investir, comme dans nos récurrentes séries américaines.

« Eh bien ! Où se cachent-ils, ces brigands ?

– Interrogatif ! Ces brigands, où se cachent-ils ?

– Au fond de la mine, comme la dernière fois.

– Affirmatif ! Comme la dernière fois. Au fond de la mine. »

Voici notre commando de choc en file indienne dans les galeries.

« Avez-vous remarqué l’état des boisages ?

– Ça va nous tomber sur le coin de la figure.

– C’est rassurant !

– Je crois bien que nous sommes perdus.

– Affirmatif ! Nous sommes perdus, je crois bien.

– Écoutez !

– J’entends des voix.

– On chante des cantiques par ici.

– Nous sommes sur la bonne voie.

– Ça vient de par là. À gauche.

– Non, à droite.

– Ça vient de partout à la fois.

– C’est l’écho dans les galeries.

– Alors ? Qu’est-ce qu’on fait ?

– On avance. On verra bien.

– Affirmatif ! On verra bien. On avance. »

Le courage et la perspicacité de la police, dont nous avons déjà parlé, finissent par payer. À force d’errer dans les galeries, de se fourvoyer, de s’égarer, et parfois même, de tourner en rond, notre octuor héroïque parvint à trouver le rassemblement interdit :

« Au nom de la loi. Tout le monde les mains en l’air !

– Affirmatif ! Tout le monde les mains en l’air. Au nom de la loi. »

Absorbés par les chants et les louanges, les clandestins n’entendirent pas la voix des forces de l’ordre.

Huppim cria plus fort :

« Au nom de la loi. Tout le monde les mains en l’air !

– Affirmatif…

– Oui, bon, ça va !

– Ils sont sourds, là-dedans, ma parole.

– M’en vais te leur déboucher les oreilles, moi. Vous allez voir ça. »

Guère plus intelligent que son bras droit, Huppim tira en l’air.

Après le bruit du coup de feu, amplifié par les parois du souterrain, on entendit un craquement sec : du bois qui se brise.

« Qu’est-ce que c’est ?

– Les étais ! Je l’avais bien dit que ce n’était pas solide. »

Ce furent les dernières paroles. Aussitôt, dans un fracas de tremblement de terre, plafonds et parois s’effondrèrent, ensevelissant chasseurs et gibier.

La villa de Thanatos, elle aussi s’était effondrée, laissant à sa place une vaste dépression remplie de gravats. La poussière, telles les cendres d’un volcan, s’élevait dans le ciel bleu. Des sirènes retentirent à nouveau : celles des pompiers. Aussi rapides et bruyants que les voitures de police, les camions rouges se rassemblent sur les lieux de l’accident, les hommes du feu fouissent, creusent, soulèvent des tonnes de terre, de roche, et de structures métalliques pliées. Après des heures d’efforts, ils parvinrent à extraire les huit policiers, leurs uniformes bons pour la laverie, mais indemnes.

« Nous l’avons échappé belle, camarade Schuppim.

– Affirmatif ! Camarade Huppim, nous l’avons échappé belle. »

Quant aux dissidents, non seulement les pompiers n’ont pu les retirer des décombres, mais aucun de leurs corps n’a été retrouvé.

« Ceux-là, ce n’est pas une grande perte pour la nation ! » disait Dimitri Plogrov en se frottant les mains.

En réalité, ils n’étaient pas très loin. Réunis dans une pinède voisine, ils poursuivaient leur célébration comme si rien n’était arrivé.

 

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