Acte III

Premier tableau

Trois ans après l’enlèvement. Jérusalem. Le mur des Lamentations. L’esplanade se remplit progressivement de figurants parmi lesquels apparaît Dos Pessos.

Scène Première

DOS PESOS – figurants

Voici Jérusalem, Israël, terre sainte,
C’est la ville sacrée aux antiques enceintes.
Jérusalem ! Si je t’oublie… Temple sacré,
Que reste-t-il enfin des portiques dorés ?
Oliviers millénaires, collines ombragées,
Cité du roi David mille fois saccagée !
Ville qui vit mourir le saint Emmanuel,
Perdue, abandonnée de ton Maître éternel.
Base du temple hébreu, muraille réputée,
Au peuple Philistin tant de fois disputée.
Ô ville sans rivale, ô profanation !
Tu n’es plus que malheur et désolation.
Ô ville bien-aimée, qu’es-tu donc devenue ?
Ô ruelles sordides, sinistres avenues !
Montagne dédiée à la dévotion,
Rocher de Morija, qu’est devenue Sion ?
Toi qui fus au Dieu saint les démons te gouvernent ;
Chapelles et clochers sont devenus tavernes,
Débauche et trahison détrônent la vertu,
Les prophètes sont morts, les chantres se sont tus.
Où sont passés les Jérémie, les Élisée ?
Même au grand Dieu, Sion, tu donnes la nausée.
Au pied du mur fameux des Lamentations
Me voici délégué, étrange expédition :
Avide mercenaire qui prêchais sans le croire
L’Évangile de Christ pour l’argent, pour la gloire.
Vendu comme Judas, cupide Guéhazi,
Joas, roi sans courage, quel démon t’a choisi ?
C’est la cupidité qui, sur cette esplanade
Motive mon séjour, cette ultime croisade.
J’ai vu se disperser mes fidèles moutons ;
La peur d’être comptés pour chrétiens… Admettons !
Me voici sans un sou dans la poche, à la rue,
Ou peu s’en faut : sobre maison, portion congrue ;
Il m’a fallu répondre à cette offre d’emploi,
Un beau métier, rémunéré, ça va de soi :
Comme dans l’Ouest américain, chasseur de prime,
Justicier vengeur, défenseur anonyme,
Aux ordres de Nimrod, orgueilleux souverain,
Nouveau maître du monde sur son trône d’airain,
Je lui offrirai, moi, ce que son cœur désire :
D’odieux dissidents qui menacent l’empire.
Deux millions pour un seul, cinq millions pour les deux.
Il m’a dit : méfie-toi, ces gars sont dangereux.
Ceux qui les ont bravés gisent dans la poussière
Mais je les abattrai avec un lance-pierre.
Servants de l’Éternel, dites-vous, deux témoins ?
De leur déconfiture ne témoigneront point ;
Le monde enfin verra leur odieuse défaite
Et reviendront la joie, les plaisirs et la fête.
Quant à moi, plein d’argent, de mérite et d’honneur
J’aurai débarrassé Sion de sa terreur.
Voilà mes deux lascars. Holà ! Quelles figures !
Ils n’ont nulle raison de louer la nature.
En guise de trois-pièces, ils sont vêtus de sacs,
Mal rasés, mal barbus, la chevelure en vrac,
Pieds nus sur le pavé, le chef couvert de cendre,
Ils sont hideux ! Mais par quel bout les faut-il prendre ?
Aussi laids par derrière, aussi laids par devant,
Le front hautain, le port altier, cheveux au vent…

(Entrent Élie et Moïse. La foule s’écarte à leur passage.)

Scène II

DOS PESOS – MOÏSE – ÉLIE – figurants parmi lesquels SALOMON

MOÏSE

Ainsi dit l’Éternel : dans le ciel un grand livre
Est scellé de sept sceaux. La parole je livre.
Un archange puissant criait à pleine voix :
Qui brisera la cire, ouvrira de ses doigts
L’ouvrage ainsi scellé ? Qui s’en montrera digne.
Les anciens assemblés attendirent un signe.
Qui rompra sans périr les sept cachets royaux ?
Mais il ne fut trouvé que le divin Agneau.
Devant ce saint Agneau tous ils se prosternèrent,
Versant des coupes d’or, de parfum, de prières,
Chantant à sa louange un cantique nouveau ?
Disant : saisis le livre et brises-en les sceaux
Car tu versas ton sang, innocente victime,
Percé pour nos péchés, immolés pour nos crimes.
À celui qui est roi, sur le trône est assis
Soient honneur et puissance et qu’il en soit ainsi.

DOS PESOS

Ce fanatique-ci connaît les Écritures
Et par ces beaux versets il nous mène en voiture !

ÉLIE 

Il ouvrit l’un des sceaux ? Les quatre êtres vivants
Disent : viens ! Aussitôt parut un cheval blanc.
Celui qui le montait reçut une couronne ;
Un arc est dans sa main, force de Babylone.
Second sceau. Cheval roux. Infâme cavalier.
De la paix, de l’amour le pouvoir est lié.
Cheval noir. Cavalier tenant une balance.
Plus d’orge. Plus de blé. C’est la faim, la souffrance ;
Le quatrième sceau et la voix qui dit : viens !
Quatrième cheval du châtiment divin.
Une rosse effrayante à la robe verdâtre
Chevauchée par la mort au visage d’albâtre.
De l’épée, de l’enfer, il reçoit le pouvoir
Et le quart de la terre est plongé dans le noir.
Les chevaux sont passés. On ouvre le cinquième
Et c’est la voix des Saints immolés dans la peine,
Brûlés, crucifiés, dévorés ou pendus
Au nom du témoignage à tous peuples rendus.
Leur forte voix criait : jusques à quand, ô Maître,
Esprit de vérité tu tardes à paraître.
Quand donc vengeras-tu les flots de sang versés,
Jugeras-tu la terre qui nous a tant blessés ?
Ils reçurent chacun, pour leur persévérance,

Un habit de blanc pur, ultime récompense.
Aux saints sacrifiés le repos fut offert.
Puis le sixième sceau par l’Agneau fut ouvert.
Ouragans et tornades et tremblements de terre,
Le soleil se fit crin, la lune tout entière
Devint comme le sang. Les étoiles du ciel
Tombent avec fracas : un déluge mortel.
Le ciel se retira comme un livre qu’on roule.
Le monde est ébranlé. Les montagnes s’écroulent.

(Salomon s’écarte de la foule pour rejoindre Dos Pesos.)

SALOMON

Monsieur, n’êtes-vous pas le pasteur Dos Pesos ?

DOS PESOS

Révérend, je le suis, tout en chair, tout en os.
Je prêchais dans mon temple à qui voulait entendre
Qu’à des gains infinis chacun pouvait prétendre,
Qu’en offrant au pasteur d’un geste généreux
On gagnait l’assurance d’un avenir heureux.
J’accumulais l’argent dimanche après dimanche
Et, berger sans brebis, tu vois, je fais la manche.
L’enlèvement m’aura tout pris. Voici, je meurs.
Et j’ai perdu la foi.

SALOMON

                            Autre temps, autres mœurs !

MOÏSE

Septième sceau : sept anges, et chacun sa trompette.
La première a sonné. Qu’il pleuve sur vos têtes
De la grêle et du feu, pluie de fer et de sang.
La terre est un charnier, un roc incandescent.
Le second ange sonne. Une colline ardente
S’abîme dans la mer. Volutes suffocantes,
Naufrages dans les flots, le nageur qui nourrit
Les pêcheurs, les marins, désastre ! Tout périt.
Trois trompettes encore. Colère pure et sainte !
Pluie d’étoiles, ténèbres, et l’eau devient absinthe.

Ô malheur à la terre ! Sept anges vont sonner
Et le puits de l’abîme au diable fut donné.

DOS PESOS

En voilà bien assez de leurs tristes augures !
Prophètes à vomir, divagations obscures !
Qui fermera la bouche aux prêcheurs odieux ?

SALOMON

Ne sous-estimez pas la colère de Dieu.

ÉLIE 

Que le sang du Messie retombe sur ta tête !

 

 

SALOMON

(à Moïse)

Pour être racheté, que faut-il, ô prophète ?
Le peuple de Jacob chemine dans le noir ;
Pour saisir le pardon n’est-il aucun espoir ?
J’avais été pourtant fidèle Israélite,
Parmi les hommes droits un exemple, une élite.
J’ai toujours pratiqué les shabbats, les mitzva,
J’attends le jour de Dieu, jour du Prince qui va
Nous combler de sa paix et délivrer le monde.
L’humanité s’enlise en une fange immonde.
Les eaux deviennent sang, s’avance le trépas.
J’appelle de mes vœux ; le Messie ne vient pas.

MOÏSE

Il est venu déjà, mais les tribus choisies
Plongent dans l’adultère et dans l’apostasie.
Il fut à Golgotha cloué sur une croix
Mais il sauve ton âme à l’instant, si tu crois.

SALOMON

Ne me refusez pas cette vie éternelle
Car je veux m’engager dans cette foi nouvelle.
Je ne suis qu’un pécheur et m’en veux repentir.

DOS PESOS

(à Salomon)

Allons ! Que vous voilà prompt à vous convertir !
Voyez ce pharisien gagné par l’Évangile !
Faites comme Jonas et parcourez la ville
Et comme ces deux-là prêchez le jugement.
Sortez la batterie de versets, d’arguments.
Au moins ne craignez pas de tomber ridicule.

SALOMON

Tout révérend pasteur vous êtes incrédule.

DOS PESOS

J’étais prédicateur avant l’enlèvement,
Prêchant mon évangile avec acharnement.
M’écartant de la foi des premières périodes,
J’ai voulu devenir un pasteur à la mode.
Promettant la richesse avec les guérisons,
Je captivais la foule avec mes oraisons.
Moi, vendeur de miracles, abandonné sur terre,
Avec les mécréants je suis laissé derrière.
J’espérais une place au joyeux paradis
Mais c’est un autre sort que Jésus m’a prédit.
« D’aucuns diront : Seigneur, nous mangions à ta table
Et nous avons chassé des esprits redoutables.
Le maître répondra : Je dis en vérité,
Écartez-vous de moi, marchands d’iniquité. »
Mercenaire maudit, j’attendrai la souffrance.

ÉLIE 

Est-il trop tard, ami, pour une repentance ?

DOS PESOS

Trop tard, j’aime l’argent comme Judas l’aimait
Jusqu’à trahir Jésus, si Satan le permet
Car j’ai lâché la main du berger secourable,
J’ai changé de patron, je marche avec le diable.
Avec ce maître-ci le chemin devient sûr.

MOÏSE

Fuyez, disparaissez, blasphémateur impur !
Lâche représentant de cette race immonde !

DOS PESOS

Blasphémateur ? Et vous qui tourmentez le monde !
Tout comme Jésus-Christ de l’eau faisait du vin
Vous changez l’onde en sang par un pouvoir divin.
N’êtes-vous pas Élie qui retenait la bruine ?
Sécheresse partout, l’aridité, la ruine !
Soudain, vous appelez l’averse en un instant,
Faites en Israël la pluie et le beau temps !
Soyez maudits, témoins qui maudissez la terre.
Je m’en vais sur-le-champ vous régler votre affaire.
On dit que vous savez aussi cracher le feu
Comme les saltimbanques en foire font un jeu.
Cette exhibition à ce point vous amuse
Et vous éblouissez les passants par la ruse.
De spectacle de rue nous n’avons nul besoin ;
Les sottises, d’ailleurs, ne divertissent point.

SALOMON

Quelle folie vous prend ? Paroles insensées !
Vos provocations sont-elles bien pensées ?

DOS PESOS

Ces témoins provoqués ne me répondent rien,
Je les ai démasqués, tragiques comédiens
Qui dans Jérusalem apportent le désordre.
Molosses abattus ne peuvent plus te mordre.
J’obéis à Nimrod et j’en suis fort marri
Mais le cracheur de feu de feu sera nourri.

(Il pointe une arme à feu sur les témoins et tire à plusieurs reprises sans en atteindre aucun.)

MOÏSE

Que le blasphémateur s’embrase comme paille !

DOS PESOS

Le feu, de l’intérieur, me brûle les entrailles.

ÉLIE 

Armés par l’Éternel les témoins sont venus,
Alors, ne pleure pas, nous t’avions prévenu.

(Dos Pesos meurt.)

 

 

Second tableau

Décor de l’Acte II. On voit que les travaux de la Nouvelle Babylone ont progressé.

Scène III

PLOGROV — YVONNICK

YVONNICK

Beau coup d’éclat, vraiment ! Mais quelle réussite !

Mission bien accomplie, je vous en félicite ;
Voilà du beau Nimrod le niveau s’élever.

PLOGROV

Tais-toi donc, inspectrice des travaux achevés !

YVONNICK

Tes plans ont bien foiré, il faut le reconnaître ;
Dos Pesos a gagné, ce fut un coup de maître.

PLOGROV

Ainsi qu’une merguez grillant au pied du mur,
Acompte sur l’enfer pour un croyant si pur !
Prêtre du dieu Nimrod gagne ce qu’il mérite,
Prédicateur avare, meurtrier, hypocrite,
Il renie son Seigneur, il fait honte à son Dieu,
Le châtiment promis, c’est Le glaive et le feu.
La mort de ce brigand, croyez-le, mon amie
C’est l’aubaine assurée pour notre économie
Car cet ouvrier-là ne sera pas payé.

YVONNICK

Mais après Dos Pesos qui faut-il envoyer
pour nous débarrasser de Moïse et d’Élie ?

PLOGROV

J’ai fondé d’autres plans, je les tiens, ma jolie.
Le diable est avec moi, nous en viendrons à bout,
Et j’ai mis justement Bafanov sur le coup.
Tu l’as d’ailleurs bien dégrossi.

YVONNICK

                                               Le bel ouvrage !

PLOGROV

Il peut vivre avec moi le pouvoir en partage.

YVONNICK

Je le dispenserai de mon enseignement
Car en politicien il vole, il trompe, il ment.

PLOGROV

Il s’agit bien ici, vraiment de politique !
Je te l’ai revêtu d’une aura prophétique.
Tout prophète, en effet, proclame au nom de Dieu ;
Qu’il déclare en mon nom, chantre mélodieux !
Et monte de la terre une seconde bête.
Il fera des prodiges à vous tourner la tête,
Des stupides moutons guide spirituel.
Yvonnick, laisse-nous, le voilà ponctuel.

(Yvonnick sort, entre Bafanov.)

Scène IV

PLOGROV – BAFANOV

PLOGROV

Vous m’avez l’air fâché.

BAFANOV

                                   Votre belle égérie
Me traite en serviteur, toujours me contrarie.

PLOGROV

C’est elle, désormais, qui devra vous servir ;
Vous la ferez ployer au gré de vos désirs.
Par son autorité je vous mis à l’épreuve,
Mais vous voilà formé, vous avez fait vos preuves.
Je vous ai relevé, car tel est mon dessein.
Je saisirai le glaive et combattrai les saints,
Quant à vous qui portez mon esprit, mes oracles
Vous séduirez le monde à l’appui de miracles.
Voyez comment Jésus de l’eau faisait du vin :
Rudiment de science, exercice enfantin.
Au fond du vase, quelques cristaux… permanganate
De potassium, et ce coup-ci jamais ne rate.

(Il réalise l’expérience chimique.)

La jolie robe !

BAFANOV

                        Où sont le goût et le bouquet,
La gouleyance enfin de ce fameux banquet ?
Ce vin n’a du nectar que la physionomie !

PLOGROV

Ce prodige, crois-moi, n’est que pure chimie.
Voilà comment le Christ préparait sa boisson.
Ainsi que l’Évangile, une peste, un poison
Qu’avalent les croyants, bernés !

BAFANOV

                                               Mais par le diantre,
À Cana les buveurs n’avaient point mal au ventre.
Voyez, je vous remplis d’eau claire ce ballon.
Goûtez.

PLOGROV

            C’est bien de l’eau.

BAFANOV

                                         Avant qu’il ne soit long,
Sans dire de grands mots, d’un seul geste magique
Je rougis le liquide. Un, deux trois…

PLOGROV

                                                           C’est pratique.

BAFANOV

Goûtez, je vous en prie.

PLOGROV

                                   En êtes-vous certain,
C’est buvable ?

BAFANOV

                        Santé !

PLOGROV

                                   Mais c’est du chambertin !

BAFANOV

Du pouilly, s’il vous plaît, des coteaux de la Loire,
Et pour moi le succès, la richesse et la gloire.

PLOGROV

Voilà qui séduira, c’est tout à fait charmant
Mais laissons de côté ce divertissement ;
Nous avons à Sion de plus sérieux problèmes.

BAFANOV

Cet Élie, ce Moïse, deux envoyés qui sèment
La divine parole autant que la terreur,
Au nom du Dieu-Très-Haut, de vrais provocateurs.

Ils se tairont bientôt, j’en fais ma propre affaire.
Nous tenons deux complices.

PLOGROV

                                               Ici ?

BAFANOV

                                                      La chose est claire :
Dans notre bergerie, une louve et son loup.
Je les démasquerai tous deux du même coup.
Je les fis appeler. Bien, les voilà qui viennent.
Écoutez nos propos, c’en mérite la peine.

(Entrent Théophile et Priscille.)

Scène V

PLOGROV – BAFANOV – THÉOPHILE – PRISCILLE

PLOGROV

Approchez-vous, servants efficaces, bonjour.
Bafanov qui jadis nous ratait tous ses tours
Dans les arts merveilleux s’est rendu virtuose,
Il change l’or en plomb, change en ronce la rose.
Bafanov est mon fouet pour dompter l’univers ;
Vous obéirez donc à ce prince pervers.

BAFANOV

Je dois vous confier une mission pénible :
C’est à Jérusalem qu’habite notre cible.
Vous décollerez donc par le premier avion
Et vous m’obéirez sans la moindre question.
Le tour est périlleux, il faut agir très vite.
Je vous rétribuerai en cas de réussite :
Votre poids en lingots, sans compter les honneurs ;
Le Brésil, justement, demande un gouverneur.

PLOGROV

On ne refuse point offre si généreuse,
À moins, belle Priscille, que vous soyez peureuse.

PRISCILLE

J’ai bravé jusqu’ici de terribles dangers.

PLOGROV

Je suis le nouveau dieu, fort pour vous protéger.

BAFANOV

Et vous, cher Théophile, n’êtes-vous pas un homme
Réglé comme une horloge ou comme un métronome ?
Tout doit être carré, sans à-coup, régulier.
Vous réglerez ce compte en parfait chevalier.
Dos Pesos, le gardien de votre bergerie
S’acquitta de la tâche, et non sans incurie.
 Il en perdit la vie. Vous prendrez le relais.
Armez-vous d’un poignard ou bien d’un pistolet.

PRISCILLE

(à Théophile)

Des sordides travaux en trouvez-vous de pires ?
Ce sont les deux témoins qu’il va falloir occire.

THÉOPHILE

Donnez-nous quelques jours, le temps de réfléchir.

BAFANOV

On ne réfléchit point. Vous devez obéir.

(Sortent Plogrov et Bafanov)

Scène VI

THÉOPHILE – PRISCILLE

PRISCILLE

Espions à Babylone, fin de notre carrière.
Ce projet d’Apollos était trop téméraire.
Qu’adviendra-t-il de nous qui sommes découverts,
Pantins entre les doigts du monarque pervers.
Simples comme colombes, prudents comme couleuvres,
Discrets, furtifs, actifs et transparents dans l’œuvre,
Nous avons informé nos frères les chrétiens,
Les avons préservés des morsures des chiens.
Fouillant adroitement dans les fichiers du maître,
Ses ignobles desseins nous avons fait connaître
Aux nouveaux convertis, nos frères dissidents,
Des policiers secrets prévenant l’incident.
Sous le sceptre du roi de Mésopotamie,
Nous sentant à l’abri sur la terre ennemie,
Demeurons en ce lieu, nous serons mis a mort.

THÉOPHILE

On nous ferait mourir ? Je ne suis pas d’accord.
Plogrov est trop rusé. Des chrétiens le martyre
Ne saurait fortifier sa gloire et son empire.
Au monde il veut prouver qu’il est un roi de paix,
Tolérant, bienveillant, un souverain parfait.
Qui menace la paix selon sa propagande ?

PRISCILLE

Les témoins de Sion.

THÉOPHILE

                                  Oui, Plogrov et sa bande,
Pour tuer ces prophètes envoient de faux chrétiens,
Le peuple mal instruit n’y comprenant plus rien.
Plutôt que nous tuer il pose ce dilemme :
Pour sauver notre vie trahir ce Dieu qu’on aime.
Selon son bon plaisir il nous envoie très loin
Tuer les envoyés, exécuter les oints
Et plutôt que la mort qu’on réserve aux rebelles
Nous priver à jamais de la vie éternelle.

PRISCILLE

C’est une chose affreuse. Hélas ! Mon cher époux,
Sortons de Babylone, partons ! Où irons-nous ?

(Entre Apollos.)

Scène VII

THÉOPHILE – PRISCILLE – APOLLOS

APOLLOS

Un ange du Seigneur au glorieux visage
En songe cette nuit m’a livré ce message :
C’est pour Jérusalem que nous devons partir ;
Peut-être devrons-nous y mourir en martyrs.
Ce n’est pas aujourd’hui l’heure du sacrifice ;
Le Vivant nous appelle encore à son service.
Soyons prêts, les enfants, pour une autre mission.
Oublions Babylone et partons pour Sion,
Et l’ennemi croira que, par obéissance,
Nous exécuterons ses vœux sans réticence.

THÉOPHILE

Nous verrons les témoins. Les faudra-t-il tuer ?

APOLLOS

Sur place nous irons tous deux les saluer.

 

la suite

 

 

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